dimanche 19 novembre 2017

Canots, lacs et wawarons

Et l’aventure, la vraie, elle a commencé le 22 juillet. Direction le parc Algonquin, dans la province de l’Ontario à 500 km de Montréal. Mais d’abord, une petite présentation de la gang d’aventuriers s’impose : en premier lieu on a Claudine et Charles, bien entendu. Invétérés du parc Algonquin, ils ont 35 ans d’expérience dans leur canot et en connaissent les moindres recoins comme les poches de leurs pantalons imperméables. Clairement les points forts du groupe, clé de voûte de notre survie sans qui cette aventure n’aurait pas été possible. Mais que seraient-ils sans leur acolyte Gérard, ami de longue date, qui a passé les ¾ des 60 dernières années de sa vie sous ou sur l’eau ? Et c’est sans parler de son niveau de Scrabble… Un élément indispensable, donc. S’ensuit Eric, l’aîné de la famille. Boute-en-train plein de bonnes idées, toujours prêt à dégainer la mandoline, et qui ne chôme pas de la rame. Rosi, sa douce et Zoé, sa doucette de 3 ans, complètent parfaitement le tableau d’une famille haute en couleurs, en sourires et en chansons ! Le deuxième fils, Yann, ne manque pas d’étincelles non plus. Accompagné de Tamara et de leurs deux coquins Finn, 9 ans et Léwis, 6 ans, ça déménage ! En résulte une bien bonne équipée, motivée comme jamais pour passer ces deux petites semaines tous ensemble au cœur du bois.

Comme les deux voitures devant nous mener à destination étaient pleines comme des œufs, remplies de ce beau monde et des vivres (entre les réserves de nourriture pour 2 semaines pour 12 personnes, les sacs d’affaires et les 4 canots sur les toits, on aurait difficilement pu caler nos grandes pattes !), nous sommes partis en bus de nuit de Montréal à Toronto. A 7h du mat’, nous eûmes juste le temps de traverser quelques avenues droites aux grands buildings de Toronto l’américaine pour sauter dans un petit bus direction le parc Algonquin. Mais voilà… dans le bus… soudainement… ploc… ploc… plocplocploc ! Le déluge ! « Yeah, bad weather scheduled for today and the next ones » nous informe le conducteur. Oups. Le plan était bien de rejoindre le reste du groupe dans la journée, dormir au camp de base à l’entrée du parc et de hisser les voiles (enfin, c’est pas vraiment le cas de le dire !) dès le lendemain matin ! Bref, une fois arrivés aux portes du parc, notre idée de faire une première balade tous les deux pour explorer les alentours est tombée à l’eau ( !) et c’est plutôt au chaud, sous le toit du visitor center que nous avons décidé de passer la journée à attendre le reste de la gang. Visite fort intéressante nous expliquant la faune et la flore locale ainsi que le rapport à l’homme de ce parc qui présente presque plus de surface aquatique que de terre ferme !


Le soir venu, un petit coup de pouce nous permit de partager la voiture d’un Russo-Canadien qui nous déposa gentiment au camping où venait d’arriver la smala.

Et au petit matin… « Si tu aimes le soleil, frappe des mains ! Si tu aimes le soleil, frappe des mains ! Si tu aimes le soleil, le printemps qui se réveille, si tu aimes le soleil, frappe des mains ! »… on a eu beau frappé, motivés par Léwis en chef de chœur, rien n’y a fait… les trombes d’eau n’ont pas voulu s’arrêter. Conciliabule sous la bâche montée pour l’occasion et la sentence est sans appel : nous décalerons notre départ d’un jour. Ce fut donc une première journée passée à errer aux abords du parc, ce qui nous a permis de récupérer de la courte nuit dans le bus, histoire d’être frais pour le lendemain.

Et le lendemain, pas de fausse blague !  7 heures, réveillés par l’odeur de crêpes de Claudine, on a les pagaies qui nous démangent ! La pluie s’est arrêtée et il est temps pour nous de quitter la terre ferme. On arrive au port de Canoe Lake, on prépare les canots, décide des équipes peuplant les 4 embarcations, et zou ! Pour aujourd’hui, ce sera : Eric, Rosie, Zoé et moi ; Alex, Léwis et Gérard ; Claudine, Finn et Charles ; Tamara et Yann. Ouaiiiiis c’est partiiii ! Je rame devant, bride abattue… Euh… Au bout de 20 minutes, j’ai le biceps en feu. « C’est encore loin ? »… Au moins, je vais muscler ces bras chétifs pendant le séjour ! Heureusement que Zoé est là pour donner de la voix et motiver les troupes : on l’entend de loin la petite ! Alors bon an mal an, je continue de ramer et nous voilà arrivés au premier portage. Un portage ? C’est quoi ça ? Bon, on a bien vu sur le plan que la majeure partie du territoire du parc Algonquin est formée de lacs. Parfois, le passage entre deux lacs se fait par une sorte de petite rivière. Ca, c’est tranquille. Mais parfois, il n’y a pas d’autres moyens pour aller d’un lac à un autre que de mettre pied à terre et  d’emprunter les petits sentiers de forêts. Mais avez-vous remarqué l’ENOOOOORME quantité de bagage que nous trimballons sur nos canots ? La poussée d’Archimède nous permet de faire les malins en traversant des lacs de plusieurs kilomètres en quelques minutes. Mais une fois sur la terre ferme, on ne fait plus les marioles !!! Un portage de 2 kilomètres, ça veut dire au moins 2 allers-retours par personne, chargés comme des mulets, pour transporter tout notre petit merdier bazar. De longues minutes à transpirer (il fait humide ici), à lutter contre les… miiiiiiii…. attaques incessantes de moustiques et de mouches qui mordent, les épaules ravagées par le poids des sacs et les piqûres des nuisibles pour qui ces marcheurs ralentis sont une aubaine au moment du quatre-heures !

Bah oui, il faut bien transporter les canots aussi ! Encombrant le bazar ! 

Mais une fois ce passage délicat évincé, c’est l’immensité des lacs qui s’offre à nous. Le calme plat. Le rythme tranquille mais plein d’une vie où chaque action sert à atteindre le niveau de confort que l’on s’est décidé. 

Sur le bord des lacs, des « places » créées par les rangers en coupant la végétation pour laisser aux explorateurs la possibilité de planter leurs tentes. Une zone plate et relativement vierge, un foyer. Et c’est tout.  En arrivant sur la place, tout est à faire. Sans bras, pas de bois. Pas de feu. Pas de nourriture. Sans bras, pas de tente, pas de lit, pas de toit sur la tête. Sans bras, pas de réserve d’eau potable. Autour de nous, la multitude de lacs, une nature dans laquelle nous souhaitons nous intégrer sans faire trop de remous, tout simplement. Une certaine routine se met en place : une fois notre place choisie, il s’agit de ramasser du bois, faire le feu, construire les tentes, préparer le repas, aller remplir les bouteilles d’eau au large, organiser l’espace cuisine/salle-à-manger, lancer les cordes dans l’arbre pour y hisser les réserves de nourriture le soir venu –  et tout ce qui pourrait chatouiller la truffe des ours qui peuplent le parc. Alors naturellement le partage des tâches se réalise, et dans la bonne humeur et en osmose avec la nature, la petite troupe que nous sommes s’installe en son sein. Une fois la popotte sur le feu et les sacs de couchage installés dans les tentes : place au bain ! Cette eau qui nous a nargués toute la journée, nous pouvons enfin nous y tremper (et nous y laver.. !), souvent dans le plus simple appareil - mais chut!. On profite du coucher de soleil après les délicieux repas, une petite partie de dés, et vite vite on file sous la tente avant que l’on serve de plat de résistance aux moustiques. Des nuits à rallonge dans un silence étourdissant sous une voute étoilée que l’on aperçoit en sortant le nez de la tente pour aller faire pipi au cœur de la nuit (en espérant ne pas faire de rencontre poilue et griffante…). Le couak-couak des wawarons, ces énormes grenouilles typiques du Canada, nous bercent (avec les ronflements des Schirardin quand nos tentes sont un peu trop proches !) jusqu’au lendemain matin...

Et une fois levés, tous aux crêpes ! Miam ! Ensuite, le programme de la journée dépend de l’itinéraire : si nous restons sur la même place la nuit suivante, alors… relax ! Jeux de société, musique, baignades, écriture, balades en canot pour aller explorer les alentours ou essayer de voir des animaux, sieste… tout est permis. Si on est sur le départ, il faut tout ranger, retrouver comment diable on avait réussi à faire tenir tout ça dans les canots, et une fois nos fesses posées et équilibrées pour pas faire chavirer le tout, reste plus qu’à pagayer, cousin !

Quelques clichés sur le départ...

C'est parti !

Il s'agit maintenant de désincarcérer les affaires pour les mettre dans les canots!

Organisation

Tout le monde s'affaire!

"Bon bah vous venez ou quoi? Je vous attends moi!"

Et maintenant quelques petites photos d'un quotidien hors du temps qui nous parait si naturellement familier...


Premiers coups de pagaie

Et premier selfie-Pluto

Imposant ce biceps, hein?!

Cette petite rivière entre deux lacs n'est pas assez profonde pour que le poids de nos pétards ne fasse pas racler les canots sur les cailloux, alors on tire les pieds dans l'eau !

Entre deux lacs

Peaceful

Pique-nique/portage: il faut prendre des forces pour tout porter!

Waaah ! Un wawaron !!

Alors Rosi, elle est bonne?

Traversée de nénuphars

Beauté


Allez allez! Du nerf!

Claudine et Charles

C'est bon, Zoé et Léwis sont prêts pour la nuit dans le petit abri!


Pas besoin d'aller chercher le trésor, il est devant nos mirettes!

Couleurs du crépuscule

Repos bien mérité pour les canots

Cap'tain Alex !

Alex et Gérard, l'équipe de choc!

Fleur de nénuphar dont je suis tombée folle dingo

Arrivée à un emplacement, il faut trouver une place de parc les amis !

Les huards


Le feu est lancé, les casseroles se réchauffent les côtelettes... Le repas se prépare.

Joli instant père-fils

Pendant que les enfants (petits et grands, hein Gérard!) se goinfrent de guimauve! 

Ce soir-à, à la tombée de la nuit, Gérard, Alex et moi montons dans le canot et voguons en direction de notre emplacement, à quelques mètres du campement principal.

Au réveil, que c'est agréable de se rafraichir le minois en s'éclaboussant de l'eau du lac!

Quel terrain de jeux!

"Youpiyaya youpiyoupiyaaaa! Youpiyaya youpiyoupiyééé!"

Écriture du carnet de voyage

Chut... observation des huards qui passent tranquillement devant nous.


Alors on va où maintenant ?

Family portrait

Rose-crépuscule

Petite photo love-love (il en fallait bien une!)


Un wawaron qui se réchauffe au soleil

"On m'a d'mandé?"


Ce soir-là, nous n'avons pas trouvé de meilleur emplacement que celui-ci, tout riquiqui! On a quand même réussi à tous s'allonger, mais la symphonie des ronflements fut d'une exceptionnelle intensité!

Tout le monde est mis à contribution pour les portages!

Concert en fumée!


Charles n'a pas besoin de plus de confort qu'un lit d'aiguilles de pin pour faire sa sieste !

Le centre névralgique de tout campement: le foyer et les bancs.

Pluto compose le regard perdu dans le vide

Plouf entre deux notes

"J'y vais? Je peux y aller? Tu me rattrapes?"

Ahhh, heureusement que papa était là à l'arrivée!

Libellule 

Les chaussures qui ne m'ont pas quittée des deux semaines!

Eric le troubadour !

Jolie éclipse de soleil

On recharge les bouteilles au milieu du lac, là où l'eau est plus pure



Les "sprouts" que l'on a fait pousser durant tout notre séjour dans des gourdes. Hé oui, il faut trouver des combines pour manger des légumes frais au bout de 10 jours d'autonomie sans frigo !

Pendant que certains se baignent, d'autres se cultivent

L'emplacement de rêve pour notre petite tente en amoureux!

Et un autre emplacement de rêve... Celui des toilettes sèches, tout en haut d'une colline. Faire son petit business avec vue sur le lac, c'est la grande classe! Mais bon, on n'a pas tellement le temps de profiter du panorama si on ne veut pas finir avec les fesses à la mode amanite-tue-mouche grâce aux piqûres de moustique!

Partir en exploration et prendre le temps d'observer la faune et la flore...


Ce jeune castor nous a laissé le luxe de l'observer pendant de longues minutes!





Cette grenouille a été un peu plus farouche, mais j'ai quand même réussi à la prendre en photo

Encore et toujours ces magnifiques wawarons, deuxième cible de mes passions après les nénuphars!


Camouflage



Gérard et Alex, c'est presque comme Jamie et Fred. Sauf qu'ici, pas de camion mais un canot !

Un majestueux héron scrute l'horizon

Et au détour d'une rive... un orignal! Quelle chance d'en rencontrer un !

Tiens! Il a du entendre la petite voix de Zoé!

Approchons-nous doucement...

Ce gros animal ne semble pas dérangé par notre présence. Il continue de prendre son souper comme si de rien n'était, à notre plus grand bonheur.

L'orignal, ou l'élan, est le plus grand des cervidés. Ils mesurent en moyenne 2 mètres au garrot et pèsent autour de 500 kg. Des bons bébés hein! Celui-ci n'a pas encore de bois, car il s'agit certainement d'un jeune individu. Une fois les bois arrivés à maturité, ils peuvent peser plus de 10 kg!

Mmmmh... cha bon cha, de l'herbe de marécage!

Slurp !


Les petites bêtes sont tout aussi intrigantes! 

Pour le dernier jour, les éléments nous ont bien dit aurevoir: c'est la tempête qui nous a accueillis sur le dernier lac. Voyez plutôt !

Ca va Léwis? Pas trop mouillé?!
 Mais après la tempête, revient le calme, toujours...


Et après deux semaines sans douche et sans savon, à arpenter les sols et à patauger dans les lacs... voilà l'état de mes panards! La vie sauvage, c'est pas toujours très glamour !


Mais finalement, qu'est-ce que ça peut faire ? Ces pieds (pourris) m'ont servi à explorer, à sentir, à découvrir. Et quelle découverte! Quelle sensation d’apaisement et de plénitude. Je crois que pendant ce séjour, on a expérimenté quelque chose d’assez unique : mener une vie simple et pleine. Autour de nous, la surface infiniment plate et tranquille des lacs. Quand le vent se lève, des vagues brouillent sa surface… mais elles finissent toujours par se calmer. Quand les grenouilles sautent, les cercles de la vibration se répercutent et troublent son manteau lisse… mais seulement pour quelques instants. En traversant avec nos canots, nous créons un sillon. Mais celui-ci s’agrandit, s’agrandit et en trois battements de paupière il n’est plus qu’un lointain souvenir. L’immensité de l’eau finit toujours par imposer sa plénitude et sa tranquillité ancrée. De quoi illustrer la métaphore qui m’est si chère… De quoi nous inspirer quand on est pris dans le tourbillon de nos vies citadines à 1000 à l’heure. Pas plus d’horaire que celui de notre horloge interne qui nous dit quand on a faim ou quand on a sommeil. Pas de bip bip des klaxons mais les coinc coinc des bernaches, sorte de grosses oies grises. Pas de boum boum des sonos mais seulement les doing doing de la mandoline et de la guitare. Pas de dring dring de sonneries mais seulement les cric cric des petits suisses, ces mini-écureuils trop chou. Pas de vuup vuup du vibreur du téléphone mais seulement les houu houuu des huards, ces drôles de canards noirs si majestueux aux têtes mouchetées de blanc qui se répondent de lacs en lacs.

Le seul inconvénient de ne pas avoir de réseau téléphonique, c’est qu’on loupe la naissance de sa petite nièce, et qu’on n’apprend la nouvelle qu’une semaine après, quand on retourne à la civilisation ! Mais je crois que Nour ne m’en voudra pas trop… Je l’emmènerai avec moi la prochaine fois, c’est promis !