Conteuse - Ecole maternelle - Toulouse

Rentrée 2015: "Bonjour, je suis Adèle, la nouvelle assistante pédagogique!"

Quoi donc ? Assistante pédagogique. En clair, je suis contractuelle de l’Education Nationale. Je travaille dans une école maternelle, mais je ne suis pas professeur. J’assiste l’enseignant(e), en prenant en charge les enfants par petits groupes, dans le cadre de tâches particulières. Ma mission : l’acculturation de ce public allophone à la lecture et au monde du livre.
L’école est située dans le quartier de la Reynerie, à Toulouse, et appartient au Réseau d’Education Prioritaire +. La plupart des enfants des classes de Grande Section avec lesquelles je travaille ne parlent pas français à la maison, et n’ont pas pour habitude de lire ou de côtoyer des livres. C’est là que j’interviens (modestement, mais tout de même!). Les jeudis toute la journée et les vendredis matins, j’ai la chance de partager un moment privilégié avec 4 ou 5 enfants, autour d’une histoire que je leur conte, que je leur mime, qu’ils me racontent, que l’on décrypte. Acculturer l’enfant à la lecture et à l’objet-livre, oui bien sûr, mais aussi développer le langage, la compréhension, la vie et les attitudes au sein d’un groupe, le respect de l’autre et de sa parole, et bien d’autres aspects que je n’imagine même pas encore rentrent ici en jeu.
J’essaierai de publier régulièrement, un petit compte-rendu de ce qu'il s’est dit, tout bas, dans ce coin-bibliothèque là. Entre nous, qui n’a jamais rêvé d’être une petite souris dans une classe de petits ?



Et presque 2 mois après...
Et quelques dizaines de déclarations d'amour "Moi je t'aime moi tu sais?", me voilà totalement intégrée dans cette école. Les enfants sont géniaux, ils adorent venir écouter des histoires lors de nos petits ateliers. Je note une nette amélioration quant à la concentration. Nous pouvons maintenant facilement découvrir deux ou trois livres dans la demi-heure qui m'est impartie, alors qu'au début de l'année ils avaient du mal à rester concentrer au-delà du premier. Je teste différentes manières d'aborder les albums: en montrant les images, sans les montrer, en les faisant reformuler, en posant des questions, en les faisant émettre des hypothèses... Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. On essaye avec un groupe, puis l'autre, et le résultat est toujours différent. Qu'il est intéressant de découvrir des interprétations auxquelles je n'avais même pas pensé! Ils m'émerveillent, ces petits filous!



La dernière fois, après un cours à l'ESPE sur l'utilisation des albums en classe, j'ai décidé de mettre en pratique ce qu'on nous a préconisé. "La lecture doit être un moment de détente, les élèves peuvent à cette occasion s'installer comme ils le souhaitent, couchés, debouts... c'est comme ils veulent". Bon OK, pensais-je, mes petits me connaissent, ils sont maintenant familiers du coin bibliothèque et du savoir-vivre de cet endroit, pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt ?
... Euh... En fait, ce n'était peut-être pas une si bonne idée. "Aïe, Adèle, il fait exprès de se coucher sur mon pied!!" ; "Adèle, je peux me mettre sur le pouf? ou plutôt sur le banc? ou plutôt par terre?" ; "Mais arrête de bouger, Imen, j'arrive pas à suivre l'histoire!". Nota Bene: les enfants, surtout petits, aiment bien être cadrés, et d'abolir les règles ne jouent pas en leur faveur finalement!

En plus de me fournir ma dose de compliments et de câlins pour la semaine, ils me font de magnifiques dessins, qui terminent fièrement exposés sur mon frigo, au plus grand bonheur de mes colocs.


En un mot, je m'éclate!

Jeudi 3 décembre 2015

Coin bibliothèque, 10h37. Je lis Au lit petit monstre! pour la troisième fois d'affilé. Connaissant toutes les pages presque par coeur, je peux maintenant à loisir observer mes petits spectateurs quand ils découvrent les nouvelles pages qui se tournent.


Au lit petit monstre! c'est l'histoire d'un papa qui court après son fils, une sorte de petit crocodile, pour qu'il aille se coucher, ce dernier trouvant toujours pleiiiin de choses beaucoup plus intéressantes à faire avant de se mettre au lit (classique, me direz-vous). Sauf qu'à la fin de l'histoire, le papa réussit à le coucher, et au moment de sortir de la chambre...


"Mais c'est qui lui ?!"
Vous n'imaginez pas quelles têtes ils font devant une fin si saugrenue. Toujours pas remise des yeux écarquillés de Nourhène et de ses sourcils au plafond, j'en ris encore! Un peu fatiguée, je me suis pris un fou rire, et plus je rigolais, moins les enfants comprenaient puisqu'ils croyaient que c'était le crocodile qui rigolait dans le livre ! J'ai bien cru ne pas m'en sortir !

Vendredi 18 décembre 2015

"Aujourd'hui, nous sommes le vendredi 18 septembre... euh, décembre!". Merci Melina. C'est donc le dernier jour avant les vacances de Noël. Ouf! font les maîtresses, Youpi! font les enfants. En plus, toute l'école prépare une super fête pour la dernière après-midi. Alors on récapitule: dernier jour d'école, repas de Noël à la cantine, préparation de la fête, pas d'ATSEM dans la classe n°3. Bon, bon, ça va le faire.
"Adèle, y'a une voiture qui brûle dehors!". Ah, tiens. C'est vrai ça. Allo les pompiers?

"Ils vont venir les pompiers?"
" Moi je sais comment ils font pour mettre le feu, ils mettent de l'essence et puis avec leur cigarette!", 
Aymen, 5 ans. 

J'étais surprise par ce manque d'affolement. Mais l'enseignante m'a expliqué que dans le quartier, une voiture qui brûle c'est devenu banal... Et les enfants y sont habitués.

M'enfin, les pompiers sont venus mettre la petite goutte d'eau pour faire déborder le vase de l'euphorie dans le classe! Difficile de demander à des petits bouts de se calmer dans ces conditions! Nous avons passé un bon moment dans la cour, les faisant travailler à tour de rôle par petits groupes pour finir les cadeaux à apporter à la maison. 

Et dans la cour, voici ce qui arriva. 
Anis, un petit bâton sur l'oreille, marchant avec des oursins sous les bras. Il prend le bâton, et l'approche de sa bouche: "Adèle, tu viens on va fumer la chicha?". Je souris, et lui répond que moi je préfèrerais utiliser son bâton pour m'en faire un micro. "Lililouuu", je lui chante. Il me regarde d'un air étonné, je lui propose: 
- "On peut faire un duo si tu veux!
- Un quoi?
- Un duo, c'est quand deux personnes chantent ensemble.
- Ah ouais, ok. Attends je commence: 

2015... Wesh là... Anis... Reynerie représente!" 

(Je ris encore devant mon écran en revoyant la scène)
Vous vous doutez bien que je n'ai pu assurer ma partie. Non mais vraiment, je pleurais de rire, et une fois de plus, les autres me regardaient, surpris. Jusqu'à ce que Melina me demande: "Mais ça veut dire quoi Reynerie représente? Représente quoi au juste?". Et bien bonne question, lui répond-je. "Moi je dirai plutôt, Reynerie représente rien!", me rétorqua-t-elle. 

Bonnes vacances mes chers petits. Rappez-bien!

Fin janvier 2016

Il est temps pour moi de dire au revoir à tout ce joli petit monde de l'école maternelle, direction Sarajevo. C'est le cœur lourd - et les yeux débordants - que j'ai lu ma petite lettre de remerciements à tous les enfants.
Mais je les emmène dans ma valise! Dessins et petits mots m'ont suivi jusqu'aux confins orientaux du vieux continent. Et puis mon premier projet à l'école Montessori de Bosnie a été d'envoyer des cartes postales présentant la ville aux petits toulousains. Stéfanie, la maîtresse, m'a rapporté leurs réactions à la réception de la lettre: "Ooooh, des grands? Qui nous écrivent, à nous? De là-bas? Woooow!".



Une jolie expérience riche de sourires, de rires et d'apprentissage.

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