mercredi 30 décembre 2015

Le système éducatif de Bosnie-Herzégovine

« Mais comment ça marche là-bas? » 

En Bosnie-Herzégovine, l’école est gratuite et obligatoire à partir de 6 ans, jusqu’à 15 ans. La scolarité s’organise en quatre blocs :
    - Préscolaire : la crèche (de 6 mois à 3 ans), la classe intégrante (de 3 ans à 5 ans), la classe préscolaire (5 ans).
    - Elémentaire : la 1ère triade (de 6 à 8 ans), la 2ème triade (de 9 à 11 ans), la 3ème triade (de 12 à 14 ans).
   - Secondaire : de 15 à 18 ans (soit en formation générale, soit en formation professionnelle -art, militaire, religion, artisanat). L’accès à l’éducation secondaire se fait sur sélection).
  - Supérieure : Licence-Master-Doctorat (le diplôme de la Matura est nécessaire pour accéder à l’université, équivalent du Baccalauréat).

Jusqu’à la fin de la 2ème triade, les professeurs se chargent de l’enseignement de toutes les matières, sauf des langues. A partir de la 3ème triade, chaque professeur enseigne une seule matière.

Généralement, les cours ont lieu seulement le matin, les enfants étant libres l’après-midi.

L'évaluation sommative utilise un système de notes qui va de 1 à 5. Cela dans les écoles classiques, à voir comment l'évaluation sera gérée dans l'école Montessori.

L'école Bloom à Sarajevo où je vais faire mon stage

Miroir, mon beau miroir…

     Depuis les accords de Dayton, signés en 1995 au lendemain de la guerre de Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine se compose de la Fédération de Bosnie et Herzégovine, de la République Serbe et du District de Brčko. Ces trois entités réunissent des peuples différents, aux coutumes et croyances variées: les Bosniaques (à majorité musulmane), les Serbes (à majorité orthodoxe) et les Croates (à majorité catholique). Ce clivage ethnique se fait très fortement ressentir dans le système éducatif bosnien, tant dans l’organisation des enseignements que dans leurs contenus.

    Le Ministère des Affaires Civiles, au niveau national, gère les questions relatives à l’éducation. Ces questions sont relayées au niveau des territoires par les Ministères des entités (le Ministère Fédéral de l’éducation et des sciences; le Ministère de l’Education et de la Culture dans la République Serbe ; et le Département de l’Education dans le District de Brčko).
Chacun de ces ministères a pour mission de gérer à son niveau la politique d’éducation, la législation, l’administration et le financement d’éducation ainsi que l’élaboration des plans d’enseignement. Ainsi, il n’y a pas un unique programme national comme en France, mais bien trois curricula, spécifiques à chaque entité politique. Chacun de ces programmes sont enseignés dans les 3 langues différentes présentes en Bosnie-Herzégovine (le serbe, le croate et le bosniaque). Les programmes diffèrent en particulier pour les matières d’histoire et de géographie (bien sûr surtout sur le thème de la guerre). Ainsi, les enseignements sont différents, tant dans la forme que dans le fond.

    Le dernier niveau de la hiérarchie est celui des Ministères de Cantons, au niveau local. Ces derniers ont un grand pouvoir dans ce système très décentralisé. En effet, ce sont les ministres des cantons qui décident de la mise en place des enseignements. L’école Bloom s’inscrit dans les programmes du Canton de Sarajevo pour nombre des matières enseignées.

            Comme bien souvent, le système éducatif est le véritable miroir de la politique et de l’histoire du pays. Des très artificiels accords de paix de Dayton signés sous la pression américaine, résultent les frontières d’un pays pluriel. Bosniaques, Croates et Serbes vivant dans la zone ont été soudainement invité à poser les armes et à créer une nation: la Bosnie-Herzégovine. C’est pourquoi de nos jours, dans un même canton, des individus de différentes ethnies se côtoient. Sous un climat apparemment pacifié, il existe toujours un fort clivage entre les peuples. Répondant aux volontés revendicatrices de la population, des écoles propres à chaque ethnie se sont créées. Il n’est donc pas rare qu’un petit Croate vivant à Mostar se rende dans une école différente de son voisin de palier, d’origine Bosniaque. Des efforts ont pourtant été faits, le système de « deux écoles sous un même toit » a même été mis en place dans certains cantons. L’idée est de proposer aux riverains deux écoles réunies dans un seul bâtiment. Deux portes séparées, vers deux enseignements séparés, mais à première vue réunis. Cette option, sensée à l’origine renforcer le vivre-ensemble et la paix entre les peuples, appuie finalement le communautarisme. La ségrégation entre les peuples est bien visible à l’échelle de l’école. Malgré quelques efforts perdurés depuis le début des années 2000 (notamment financiers, puisqu’environ 10,8% du PIB du pays est utilisé à des fins éducatives soit deux fois plus qu’en France), les résultats restent faibles. Une loi est passée en 2003 pour unifier le système éducatif bosnien, mais les moyens ne sont pas déployés pour la mettre en place. 

    Mais comment créer des écoles mixtes, alors que même l’alphabet utilisé par les enfants diffèrent (cyrillique pour les Serbes, latin pour les Bosniaques) ? Comment enseigner l’histoire de la guerre d’un œil neutre quand les blessures sont encore béantes dans les foyers, et que les responsables politiques entretiennent le clivage ? Le défi est difficile à relever, et malgré une population plutôt progressiste, tout le monde n’est pas près à donner la main à son voisin pour créer la nation bosnienne, en témoigne cette citation de Greta Kuna, l’actuelle ministre de l’éducation du canton de Bosnie Centrale :

"The ‘Two Schools Under One Roof’ project will not be suspended because you can’t mix apples and pears. Apples with apples and pears with pears."

« Ouvrez grand vos mirettes ! »

      Durant mon stage à l’école Bloom, j’ouvrirai l’œil (et le bon !) pour aborder ce système éducatif si particulier, tant par le contexte du pays que par la pédagogie Montessori. Oui mais voilà, à vouloir tout observer, on se perd un peu. J’ai donc élaboré une liste de points auxquels je vais particulièrement prêter attention.
         Dans le champ de l’éthique professionnelle, il me parait intéressant d’observer tout d’abord la place de la religion dans cette école un peu différente des autres écoles de Bosnie-Herzégovine, ainsi que celle des opinions du professeur (tant religieuses que politiques) dans le contexte particulier de ce pays neuf et déchiré. L’enseignement est-il laïc ? Y a-t-il, comme toutes les écoles du pays, une discrimination vers l’accès à l’école en fonction de l’appartenance de l’enfant à une ethnie ? De manière générale, il serait bon de voir quels sont les principes et valeurs que l’école doit transmettre à ses élèves.
         En ce qui concerne la pédagogie et la pratique de classe, je m’attacherai à comparer les modalités de travail et de prises en main des élèves dans ce système Montessori par rapport aux systèmes traditionnels auxquels je suis habituée. Plus particulièrement, je prêterai attention à l’évaluation des élèves.
        Dans le volet linguistique, j’observerai la place du français dans l’école, à savoir si les langues sont abordées de manière interdisciplinaire.

         Pour finir, je serai très attentive à l’influence de la culture dans les activités d’apprentissage, notamment celle des apprenants et des enseignants (qui, apparemment, sont d’origines variées).

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