« Mais comment ça
marche là-bas? »
En Bosnie-Herzégovine, l’école est
gratuite et obligatoire à partir de 6 ans, jusqu’à 15 ans. La scolarité
s’organise en quatre blocs :
-
Préscolaire : la crèche (de 6 mois à 3 ans), la classe intégrante (de 3
ans à 5 ans), la classe préscolaire (5 ans).
-
Elémentaire : la 1ère triade (de 6 à 8 ans), la 2ème
triade (de 9 à 11 ans), la 3ème triade (de 12 à 14 ans).
-
Secondaire : de 15 à 18 ans (soit en formation générale, soit en formation
professionnelle -art, militaire, religion, artisanat). L’accès à l’éducation secondaire se fait sur sélection).
-
Supérieure : Licence-Master-Doctorat (le diplôme de la Matura est nécessaire pour accéder à
l’université, équivalent du Baccalauréat).
Jusqu’à
la fin de la 2ème triade, les professeurs se chargent de
l’enseignement de toutes les matières, sauf des langues. A partir de la 3ème
triade, chaque professeur enseigne une seule matière.
Généralement,
les cours ont lieu seulement le matin, les enfants étant libres l’après-midi.
L'évaluation sommative utilise un système de notes qui va de 1 à 5. Cela dans les écoles classiques, à voir comment l'évaluation sera gérée dans l'école Montessori.
L'école Bloom à Sarajevo où je vais faire mon stage |
Miroir, mon beau miroir…
Depuis les accords de Dayton, signés
en 1995 au lendemain de la guerre de Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine se
compose de la Fédération de Bosnie et Herzégovine, de la République Serbe et du
District de Brčko. Ces trois entités réunissent des
peuples différents, aux coutumes et croyances variées: les Bosniaques (à
majorité musulmane), les Serbes (à majorité orthodoxe) et les Croates (à
majorité catholique). Ce clivage ethnique se fait très fortement ressentir dans
le système éducatif bosnien, tant dans l’organisation des enseignements que
dans leurs contenus.
Le
Ministère des Affaires Civiles, au niveau national, gère les questions
relatives à l’éducation. Ces questions sont relayées au niveau des territoires
par les Ministères des entités (le Ministère Fédéral de l’éducation et des
sciences; le Ministère de l’Education et de la Culture dans la République
Serbe ; et le Département de l’Education dans le District de Brčko).
Chacun
de ces ministères a pour mission de gérer à son niveau la politique
d’éducation, la législation, l’administration et le financement d’éducation
ainsi que l’élaboration des plans d’enseignement. Ainsi, il n’y a pas un unique
programme national comme en France, mais bien trois curricula, spécifiques à chaque entité politique. Chacun de ces
programmes sont enseignés dans les 3 langues différentes présentes en
Bosnie-Herzégovine (le serbe, le croate et le bosniaque). Les programmes
diffèrent en particulier pour les matières d’histoire et de géographie (bien
sûr surtout sur le thème de la guerre). Ainsi, les enseignements sont
différents, tant dans la forme que dans le fond.
Le
dernier niveau de la hiérarchie est celui des Ministères de Cantons, au niveau
local. Ces derniers ont un grand pouvoir dans ce système très décentralisé. En
effet, ce sont les ministres des cantons qui décident de la mise en place des
enseignements. L’école Bloom s’inscrit
dans les programmes du Canton de Sarajevo pour nombre des matières enseignées.
Comme bien souvent, le système
éducatif est le véritable miroir de la politique et de l’histoire du pays. Des
très artificiels accords de paix de Dayton signés sous la pression américaine,
résultent les frontières d’un pays pluriel. Bosniaques, Croates et Serbes
vivant dans la zone ont été soudainement invité à poser les armes et à créer
une nation: la Bosnie-Herzégovine. C’est pourquoi de nos jours, dans un même
canton, des individus de différentes ethnies se côtoient. Sous un climat
apparemment pacifié, il existe toujours un fort clivage entre les peuples.
Répondant aux volontés revendicatrices de la population, des écoles propres à
chaque ethnie se sont créées. Il n’est donc pas rare qu’un petit Croate vivant
à Mostar se rende dans une école différente de son voisin de palier, d’origine
Bosniaque. Des efforts ont pourtant été faits, le système de « deux écoles
sous un même toit » a même été mis en place dans certains cantons. L’idée
est de proposer aux riverains deux écoles réunies dans un seul bâtiment. Deux
portes séparées, vers deux enseignements séparés, mais à première vue réunis.
Cette option, sensée à l’origine renforcer le vivre-ensemble et la paix entre
les peuples, appuie finalement le communautarisme. La ségrégation entre les
peuples est bien visible à l’échelle de l’école. Malgré quelques efforts
perdurés depuis le début des années 2000 (notamment financiers, puisqu’environ
10,8% du PIB du pays est utilisé à des fins éducatives soit deux fois plus
qu’en France), les résultats restent faibles. Une loi est passée en 2003 pour
unifier le système éducatif bosnien, mais les moyens ne sont pas déployés pour
la mettre en place.
Mais
comment créer des écoles mixtes, alors que même l’alphabet utilisé par les
enfants diffèrent (cyrillique pour les Serbes, latin pour les
Bosniaques) ? Comment enseigner l’histoire de la guerre d’un œil neutre
quand les blessures sont encore béantes dans les foyers, et que les
responsables politiques entretiennent le clivage ? Le défi est difficile à
relever, et malgré une population plutôt progressiste, tout le monde n’est pas
près à donner la main à son voisin pour créer la nation bosnienne, en témoigne
cette citation de Greta Kuna, l’actuelle ministre de l’éducation du canton de
Bosnie Centrale :
"The ‘Two Schools Under One
Roof’ project will not be suspended because you can’t mix apples and pears. Apples with apples and pears with pears."
« Ouvrez grand vos
mirettes ! »
Durant mon stage à l’école Bloom, j’ouvrirai l’œil (et le
bon !) pour aborder ce système éducatif si particulier, tant par le
contexte du pays que par la pédagogie Montessori. Oui mais voilà, à vouloir
tout observer, on se perd un peu. J’ai donc élaboré une liste de points
auxquels je vais particulièrement prêter attention.
Dans le champ de l’éthique
professionnelle, il me parait intéressant d’observer tout d’abord la place de
la religion dans cette école un peu différente des autres écoles de
Bosnie-Herzégovine, ainsi que celle des opinions du professeur (tant
religieuses que politiques) dans le contexte particulier de ce pays neuf et
déchiré. L’enseignement est-il
laïc ? Y a-t-il, comme toutes les écoles du pays, une discrimination vers
l’accès à l’école en fonction de l’appartenance de l’enfant à une ethnie ?
De manière générale, il serait bon de voir quels sont les principes et valeurs
que l’école doit transmettre à ses élèves.
En ce qui concerne la pédagogie et
la pratique de classe, je m’attacherai à comparer les modalités de travail et
de prises en main des élèves dans ce système Montessori par rapport aux
systèmes traditionnels auxquels je suis habituée. Plus particulièrement, je
prêterai attention à l’évaluation des élèves.
Dans le volet linguistique,
j’observerai la place du français dans l’école, à savoir si les langues sont
abordées de manière interdisciplinaire.
Pour finir, je serai très attentive
à l’influence de la culture dans les activités d’apprentissage, notamment celle
des apprenants et des enseignants (qui, apparemment, sont d’origines variées).